La fin des espoirs
« Le gouvernement de l’Union des républiques socialistes soviétiques, agissant avec l’accord des gouvernements de la République populaire de Bulgarie, de la République populaire de Hongrie, de la République démocratique allemande, de la République populaire de Pologne, a convenu avec la République socialiste tchécoslovaque qu’une partie des unités militaires soviétiques se trouvant sur le territoire de la République socialiste tchécoslovaque, demeurera temporairement sur le territoire de la République socialiste tchécoslovaque afin d’assurer la sécurité des pays de la communauté socialiste et de la protéger des tendances revanchardes, allant en s'intensifiant, des forces militaristes ouest-allemandes. »
Accord signé entre la République socialiste tchécoslovaque et l’URSS sur le séjour temporaire des unités militaires, 16 octobre 1968
Le 26 août 1968, la délégation tchécoslovaque a signé, dans la capitale de l’URSS, le dit Protocole de Moscou. Dans ce document secret, elle a donné son accord, entre autres, sur l’annulation des conclusions du congrès extraordinaire du Parti communiste à Vysočany. Elle s’est engagée à procéder à des purges dans la direction des médias, à rétablir la censure et à empêcher les investigations sur l’occupation au Conseil de sécurité de l’ONU.
Quand les hommes politiques sont rentrés en Tchécoslovaquie, le public était plutôt méfiant, car ces derniers ne voulaient pas parler ouvertement du résultat des tractations. Seul Alexander Dubček a regagné la faveur d’une partie de la population quand il a assuré les citoyens, dans un discours chargé d'émotion, que les réformes allaient se poursuivre, même si cela devait prendre plus de temps. Cependant, dans les semaines qui ont suivi, la politique réelle a pris une direction dramatiquement différente. Le 6 septembre 1968, František Kriegel, le seul homme politique à avoir refusé de signer le Protocole de Moscou, a été destitué de son poste à la direction du Front national. Peu après, c’est le directeur de la télévision, Jiří Pelikán, qui a perdu son poste, de même que le directeur de la radio, Zdeněk Hejzlar. En automne 1968, Zdeněk Mlynář a démissionné de sa fonction de premier secrétaire du Parti communiste tchécoslovaque. Il était l’un des auteurs principaux du Programme d’action.
Le 18 octobre 1968, l’Assemblée nationale a approuvé l'accord sur le séjour temporaire des unités militaires soviétiques, qui a rendu légal le séjour de 75.000 soldats soviétiques en République socialiste tchécoslovaque. Seulement 4 députés ont voté contre, 10 se sont abstenus et plusieurs d’entre eux n’ont pas du tout participé au vote au parlement. Le 8 novembre 1968, le gouvernement tchécoslovaque a fait une autre concession en interdisant, à titre temporaire, la publication des magazines critiques Reportér et Politika. L’entrée en scène des conservateurs a été confirmée à la session du Comité central du Parti communiste entre le 14 et le 17 novembre 1968. Ils sont alors parvenus à occuper plusieurs postes importants et à imposer la résolution annonçant le plan futur de « normalisation ».
Le slovaque, Gustáv Husák a gagné une position essentielle au Parti communiste. En décembre 1968, il a proposé que le candidat supposé au poste de président de la nouvelle Assemblée fédérale, Josef Smrkovský (alors président de l’Assemblée nationale) soit remplacé par un représentant slovaque, pour que le principe fédératif soit observé. Bien que le public ait exprimé son soutien à Josef Smrkovský, un des personnages les plus populaires du Printemps de Prague, au cours d'une manifestation, ce dernier a refusé ce soutien et Peter Colotka a été élu. Les conservateurs inscrivaient une nouvelle victoire qui a été scellée en avril 1969 par l’élection de Gustáv Husák au poste du premier secrétaire du Comité central du Parti communiste. La répression violente des manifestations dans les rues en août 1969, dans lesquelles sont intervenues les forces de sécurité, les milices populaires ainsi que l’armée tchécoslovaque, a mis un point final au Printemps de Prague.